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Photo du rédacteurMélinda Berthou

La réalité des choses

J’ai hésité longuement avant d’écrire ces quelques lignes puis j’ai de nouveau hésité longuement avant de vous les partager.

Si vous les lisez c’est que j’ai fini par appuyer sur le bouton « publier ».

Par où commencer cet article ? Tout simplement par cette photo.



Que voyez-vous sur cette photo prise cette semaine ? Une infirmière ? Oui.

Oui, cette infirmière, c’est moi, présidente et gérante d’une société qui s’appelle La Colonie de Trézien et qui est un domaine de réception à Plouarzel, dans le Nord Finistère.

Dans cet article, je ne souhaite pas parler de la crise sanitaire liée au Covid. Je souhaite vous parler de la crise économique qui en découle.

Pour ceux qui ne le savait pas, oui, dans une autre vie j’étais infirmière.

J’ai eu mon diplôme en 2008.

Après la naissance de notre deuxième enfant, en 2016, j’ai eu envie de passer à autre chose.

Autre chose qui pourrait me brancher, mais quoi ? Mystère !

Nous avons cherché encore et encore et un jour, nous nous sommes retrouvés là, face à elle : La Colonie de Trézien !

Ça a été comme une évidence, un coup de foudre. Nous sommes, Sébastien et moi, tombés amoureux de cette vieille dame. Un projet fou car, en plus, nous ne savions pas ce que nous voulions y faire ! Nos proches nous ont pris pour des fous !

Le lieu était à vendre depuis 3 ans et malgré différentes « touches », il ne trouvait pas preneur. Nous avons fait une première offre à l’association Saint Martin, les propriétaires. Sans réponse rapide et comme nous sommes du genre impatients quand on a un truc en tête, nous avons fait une seconde offre, à un prix cassé et valable quelques jours : l’offre de la dernière chance, le coup de poker !

Puis nous sommes partis en week-end en amoureux à Concarneau, c’était en septembre 2016, juste avant que je reprenne le travail. On s’est dit que :

- si la proposition était contresignée, ce projet fou était pour nous, notre vie allait changer !

- si c’était refusé on passerait à autre chose, ça serait un signe du destin, notre destin.

Et là, face à la mer, on s’est dit que si ça passait, on ne sait pas ce qu’on y ferait mais on avait la certitude qu’on changerait de vie et on s’est dit qu’on se marierait* ; là-bas !

*Je fais une petite aparté « personnelle » mais ceux qui savent, savent que Sébastien avait toujours dit que jamais il ne se marierait, c’est dire si le saut allait être grand !

Et puis, la proposition a été contresignée, l’aventure était lancée, c’était en octobre 2016 !

Après des semaines de montages de projets, de nuits blanches, de remises en question, de prises de décisions, le 7 août 2017, nous étions les heureux propriétaires de La Colonie de Trézien.

Le 16 septembre 2017, nous avons fêté notre mariage à l’endroit qui deviendra plus tard notre futur salon, pas banal mais si incroyable, comme tout ce qui nous attendait !

Et là, une autre aventure commençait, il fallait être opérationnel pour accueillir nos premiers clients, au premier week-end de juin 2018 !

Je peux vous dire qu’il manquait des heures à nos jours et à nos nuits, des jours à nos semaines et des semaines à nos mois ! On a embarqué nos familles respectives avec nous, elles ont sauté à pieds joins avec nous, ou la tête la première, comme on veut.

Ils nous ont suivis, aveuglément. Ils ont rêvé « travaux », mangé « travaux », se sont lavés « travaux »… Comme nous, avec nous…

C’était intense, c’était flippant, ça donnait le vertige.

Sébastien était sur le chantier et moi j’étais à la clinique. Je naviguais entre 2 eaux. J’avais repris le travail à 80% parental. J’étais infirmière au bloc opératoire. Mes collègues me regardaient comme un ovni, je crois. Et puis nous avons ouvert les réservations, en plein chantier, c’était irréel. Je découvrais un nouveau métier et vous me faisiez confiance. Il n’y avait pas encore de fenêtres, la colonie était ouverte aux quatre vents, il n’y avait pas de sol, pas de mur mais vous nous faisiez confiance ! C’était incroyable et ça nous poussait à nous surpasser, pour vous !

J’ai appris sur le tas, Sébastien m’a expliqué et les choses sont venues naturellement aussi. Vous étiez bienveillants et j’adorais ce nouveau métier que je découvrais !

Alors je suis passée à 50% en tant qu’infirmière. Ça a duré 1 mois ou 2 et tout devenait bien trop intense à la Colonie, plus vite que dans nos meilleures prévisions et il fallait des bras car l’ouverture arrivait si vite.

10 mois de travaux, c’était très court !

Alors j’ai arrêté d’être infirmière. J’ai sauté le pas, j’ai fermé mon casier, rangé mes sabots, une dernière fois (enfin, c’est ce que je croyais) ! C’était terrifiant de faire le grand saut mais c’était vrai et ça se concrétisait au fur et à mesure que La Colonie de Trézien, celle que vous connaissez, se dessinait sous nos yeux. Elle reprenait vie !

Et ça fait maintenant 2 ans ½ que ça dure, j’aime tant ce nouveau métier, j’aime tant être à vos côtés, vous accompagner, travailler dur pour voir les étoiles briller au-dessus de La Colonie de Trézien.

C’est un lieu de joie, de rassemblements, de vie, tout simplement et d’humanité, aussi. Tout ce qui nous manque tant aujourd’hui…

Aujourd’hui, en octobre 2020, La Colonie de Trézien s’est éteinte, pour la deuxième fois, brusquement.

Pour être plus précis : on a été contraint de l’éteindre. C’est un crève-cœur. On a cette sensation d’exploser en plein vol. On nous a coupé les ailes.

La Covid-19 est arrivée dans nos vies comme un éléphant dans une boutique de porcelaine.

La première fois, sous le choc, nous nous sommes mis en état de siège, nous avons trouvé des solutions et nous avons réussi à traverser ce premier confinement. En regardant en arrière, on y a laissé tellement de plumes mais on ne s’en est pas trop mal sortis. L’empathie, l’écoute, l’humanité, j’ai pris chacune de vos histoires et j’ai tenté au mieux de trouver des solutions. Je crois qu’on y est arrivé, ensemble.

Quoiqu’il en soit, avec Sébastien, on a travaillé comme des dingues tout l’été, on a tout donné, tout mais ça en valait la peine. Voir vos yeux briller et votre amour rayonner était notre plus belle récompense. Nous avons mis en place et fait tout ce qu’il était possible de faire.

Et on y est arrivé. Ça a duré 3 mois ½.

On a travaillé 3 mois ½ cette année. Ah non, 4 mois car la saison avait duré 2 semaines en mars, quand nous avons été arrêtés la première fois, le 16 mars 2020. La saison devait commencer à ce moment-là pour finir avant les vacances de Noël…

Et puis le virus a repris sa folie, de plus belle et puis tout est allé si vite. Je ne vais pas rentrer dans des considérations politiques mais on nous a menacé de cette deuxième vague toute l’année.

Les grandes surfaces en ont tiré des leçons : leurs réserves étaient pleines, ils étaient prêts, eux !

Les hôpitaux, les cliniques, notre système de santé et tous les gens qui y participent étaient-ils prêts pour ce second tsunami ? Je pense que non. Ils étaient déjà malades et n’avaient pas attendu la Covid-19 pour souffrir. Quant à notre système économique…

Mais je l’ai dit, ça n’est ni le sujet ni le débat de ce post.

Ce que je vois c’est qu’on nous promet de l’argent alors qu’on nous martèle depuis des années sur le fait que les caisses sont vides. Alors de quoi va être fait l’avenir économique de notre pays, qui va payer ? Nos enfants ?

On nous interdit de travailler alors qu’on en crève d’envie.

C’est interdit !

Je suis cheffe d’une entreprise pour laquelle j’ai tout sacrifié et je n’ai pas le droit de travailler ! Ma famille a tout sacrifié pour cette entreprise mais je n’ai plus de salaire pour la faire vivre !

Je n’ai pas le droit de vous accueillir. Je n’ai pas le droit d’honorer mes contrats.

Mais vous allez me dire que j’ai des aides. Oui l’entreprise a des aides.

Enfin, je ne vais pas vous faire un dessin mais je ne pense pas avoir à expliquer qu’on puisse faire vivre une entreprise avec quelques aides alors qu’elle n’a plus de chiffre d’affaire du fait d’une telle fermeture administrative. Et puis nous commencions. Les chiffres de l’année dernière n’étaient pas les prévisionnels de cette année…

Et puis, voilà ce qui me révolte le plus : les aides pour les entreprises ne sont pas les aides pour les familles des entrepreneurs ! NON !

Moi, comme de nombreux chefs d’entreprises, je n’ai pas le droit au chômage ! Je n’ai plus de salaire ! Un gros ZÉRO !

Les aides de l’entreprise (aussi minimes soient-elles) vont sur le compte de l’entreprise mais ça n’est pas mon compte à moi !

Et moi, comment je fais vivre ma famille ? Qui peut faire vivre une famille comme ça ?

Et bien le choix a été vite fait. Il n’en a été que plus cruel et plus injuste mais j’ai dû rouvrir le carton qui renfermait mes affaires d’infirmière. JAMAIS je n’aurai pensé en arriver là alors que je suis à la tête d’une jeune entreprise qui a très bien démarré !

Nous avons vendu notre ancienne maison, nous nous sommes bricolé une petite maison dans la maison de gardien de La Colonie.

Nous avons fait changer de vie, d’école, de copains à nos enfants. Nous avons sacrifié nos loisirs, nos économies, une partie de nos relations sociales, nos vacances et maintenant nos projets.

Nous avons TOUT donné pour La Colonie de Trézien, tous les deux, en amoureux, pour notre famille, pour nos enfants, pour notre avenir, pour vous. Et nous étions si heureux de voir que nos efforts étaient récompensés !

Aujourd’hui, je suis écœurée, j’ai peur, je suis fatiguée, je souffre.

Par chance, je n’ai pas oublié mon ancien métier, c’est vite revenu. On m’a laissé la chance de revenir et je remercie ceux qui m’ont tendu la main dans ces moments difficiles.

Depuis quelques jours, j’ai l’impression de vivre dans un espace-temps qui n’est pas la réalité. Mon cerveau ne comprend pas ce choc entre mon passé et ce qui devrait être mon présent. Nos enfants sont perdus mais nous les préservons et ils s’adaptent.

On s’adapte. Car j’ai un mari exceptionnel qui croit en moi, qui croit en nous. On se serre les coudes. On se met en mode « survie ». On attend que ça passe, il faut que ça passe. Vite. Par pitié, il faut que ça passe au plus vite.

Et combien d’entreprises, de petites entreprises, de familles sont dans la même situation que nous ?

Mais Sébastien et moi, nous ne lâcherons RIEN, nous sommes déterminés à sortir plus forts de cette période catastrophique, La Colonie de Trézien est debout depuis des années et ça n’est pas un virus qui va l’anéantir. Ça n’est pas la Covid-19 qui va nous anéantir.

On va se battre et on sera là, debout, quand la vie reprendra !

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